L’analyse financière approfondie n’est pas à proprement parler une technique définie. II s’agit plutôt d’une technique « intermédiaire » entre l’analyse financière « classique » (analyse fonctionnelle ou liquidative du bilan, soldes intermédiaires de gestion, capacité d’autofinancement,.. .) et la gestion financière de L’entreprise. En tant que telle, cette « discipline » n’existe donc pas. Le contenu qui lui est attribué dans ce cours s’articule donc autour de la notion centrale de TRÉSORERIE.
Le parti pris est de déterminer les outils qui permettent d’apprécier la santé financière d’une entreprise en s’attachant principalement a rechercher la trésorerie qu’elle dégage. Ce n’est pas le niveau de trésorerie qui est important dans une entreprise mais plutôt le risque lié à L’absence de trésorerie pouvant conduire à sa disparition. Pour déterminer la trésorerie dégagée, l’analyse financière « classique » est une base mais il faut ensuite approfondir le sujet et connaître la fabrication du tableau de financement, des tableaux pluriannuels de flux et d’autres techniques que nous évoquerons ici.
Nous nous intéresserons aussi a la notion de « prévention des entreprises en difficultés » et aux différentes méthodes utilisées pour anticiper un dépôt de bilan. Enfin, la trésorerie est aussi une notion qui s’appréhende a travers les formes de financements domestiques et internationaux qui permettent de recourir ponctuellement au secteur bancaire pour se constituer une trésorerie de court terme.
DÉFINITION de L’ANALYSE FINANCIÈRE
L’analyse financière est, dans sa définition la plus simple, un ensemble de techniques visant a connaître la santé financière de L’entreprise. Elle est aussi définie comme « une démarche qui s’appuie sur L’examen critique de L’information comptable et financière fournie par une entreprise a destination des tiers et ayant pour but d’apprécier le plus objectivement possible sa performance financière et économique (rentabilité, pertinence des choix de gestion, …), sa solvabilité (risque potentiel pour les tiers, capacité a faire face a ses engagements,…) et enfin son patrimoine ».
L’analyse financière peut se résumer a apporter une réponse a quatre questions fondamentales :
– L’entreprise analysée est elle équilibrée ?
-L’entreprise est elle en croissance ?
– L’entreprise est elle rentable ?
– L’entreprise est-elle solvable ?
L’équilibre s’apprécie au travers du bilan. La croissance est celle de la valeur ajoutée et non du chiffre d’affaires qui mesure la richesse produite et générée par une entreprise au cours de l’exercice. La rentabilité se mesure a partir du résultat net comptable dégagé (il existe une rentabilité dite commerciale et une rentabilité dite financière).
La solvabilité, c’est L’aptitude a assurer à tout moment le paiement des dettes exigibles. iI est atteint a un moment donne si l’encaisse reste positive après le règlement de toutes les dettes exigibles. L’entreprise est réputée solvable juridiquement si ces actifs permettent de rembourser les dettes. Par opposition, l’insolvabilité est l’état de cessation de paiements.
Enfin, dernier point a étudier : quels sont les risques non financiers qui peuvent altérer sa santé ? En effet, une entreprise peut être en excellente santé financière et être fragile du fait de risques non maitrises par les dirigeants (entreprise mono clientèle ou mono fournisseur, age du dirigeant principal et transmission a des héritiers non résolue, méthodes de management, climat social, risques naturels, …). Ces éléments sont aussi a prendre en compte.
Le plus grand risque que prennent les tiers en travaillant avec une entreprise est l’arrêt du courant d’affaires qu’ils entretiennent avec elle. Si la situation se dégrade au point de déposer le bilan, les fournisseurs perdent un client et voient leurs créances amputées ou impayées tandis que les actionnaires perdent la source de leurs revenus (dividendes) et une fraction (ou la totalité) de leur capital investi. Les clients perdent une source d’approvisionnement et le service après vente relatif aux dernières marchandises achetées. Les prêteurs perdent la rémunération de leurs prêts et toutou partie des fonds mis a la disposition de l’entreprise. Enfin, les salariés perdent leur emploi et une fraction de leur identité. La cessation de paiements est donc une catastrophe pour ceux qui la subissent. Le risque majeur auquel l’entreprise est soumise est donc bien celui de liquidité (absence des liquidités- trésorerie- nécessaire au paiement des dettes a court terme).
Les procédures collectives :
Dans ce cas, le chef d’entreprise a l’obligation légale de déposer le bilan (en cas contraire, il peut être condamné pour abus de biens sociaux) au Greffe du Tribunal de Commerce de son lieu d’immatriculation. Le dépôt de bilan arrête les actions des créanciers et le Président du Tribunal de Commerce décide souverainement de placer l’entreprise en liquidation (règlement judiciaire) ou en redressement (administration judiciaire). Dans le 1er cas, le mandataire judiciaire « réalise » les actifs (c’est-à-dire les vend) et désintéresse les créanciers (les rembourse) dans l’ordre des préférences définies par la loi de 1985 (créanciers super privilégiés, privilégiés et chirographaires) et reprise dans la loi de 2005. Le mandataire a aussi la faculté de rechercher des acquéreurs pour une cession en bloc ou partielle. Dans le 2ème cas, l’administrateur judiciaire engage l’entreprise dans une poursuite d’activité après mise en place de ce qu’on appelait un concordat (négociation chiffrée avec les créanciers qui ont intérêt à la poursuite de l’activité). Depuis 2005, une nouvelle forme de procédure est en vigueur : la procédure de sauvegarde. Il s’agit de la transposition en droit français du « chapter 11 » de la Loi américaine sur les faillites. Cette procédure intervient « avant » l’état de cessation de paiements et permet à une entreprise qui craint pour son avenir de se mettre « sous protection de justice ». Il s’agit d’un moyen d’éviter une faillite en anticipant les problèmes.Mais les chefs d’entreprise répugnent encore à l’utiliser car ils pensent souvent pouvoir s’en sortir seuls…
Finalement, derrière la trésorerie il y a la notion d’indépendance : le degré d’autonomie est l’aptitude de l’entreprise à maintenir en toute circonstance son indépendance. Si l’entreprise détient une encaisse importante, son degré d’autonomie sera élevé. Mais l’encaisse ne participe pas au processus productif et cela affecte sa rentabilité. Pour assurer sa croissance, l’entreprise va réduire son encaisse et accroître son endettement.La rentabilité est complémentaire à la solvabilité. Ce critère est une condition nécessaire bien que pas toujours suffisante au maintien de l’équilibre financier. C’est le rapport entre les résultats et les moyens mis en œuvre (capital économique, capital financier et chiffre d’affaires). La rentabilité doit être suffisante pour acquitter les intérêts dus au prêteur et pour assurer le remboursement des emprunts. Il faut aussi qu’elle soit suffisante pour assurer le maintien du capital de l’entreprise et elle intéresse donc vivement les prêteurs (gage du remboursement de leurs prêts) et les investisseurs (actionnaires stables ou ponctuels). A ce stade, on notera que l’analyse financière présente deux caractéristiques fortes : il s’agit d’une technique (et non d’une science) qui est à la recherche de tendances. Les chiffres utilisés n’ont pas besoin d’être précis au centime d’euro près.
Au contraire, le détail peut nuire à la vision d’ensemble. La tendance ne peut ensuite se caractériser qu’en comparant les résultats de l’analyse. La comparaison est d’abord chronologique (on compare l’évolution des données sur plusieurs années et au moins sur trois années successives. Enfin, il faut toujours comparer l’entreprise à une entreprise de même taille et du même secteur pour savoir si le ratio calculé ou le chiffre trouvé correspond à la norme du secteur. En effet, peu de ratios ont une valeur intrinsèque (en soi).
Intéressons nous maintenant aux documents utiles pour une analyse financière. On distingue les documents financiers des documents non financiers. Les documents financiers sont : le bilan, le compte de résultats et les annexes. Ces trois documents sont produits par les entreprises une fois par an au moins et une fois par trimestre pour les entreprises qui font appel public à l’épargne. Les annexes sont des informations complémentaires portant sur onze pages de documents et détaillant les amortissements, les provisions, les dettes, les créances, les engagements hors bilan (crédit bail, escompte,…), etc…
Les documents non financiers sont : l’extrait Kbis (utile pour connaître la date de création de l’entreprise, le montant du capital social, sa forme juridique, ses dirigeants, leur âge, les principales décisions d’AGO et AGE – changement d’objet, date de clôture d’exercice), les états d’endettement (qui sont fournis aussi par le greffe du Tribunal de commerce et sur lesquels on trouvera le détail des dettes ayant donné lieu à constitution de garanties, les contrats de crédit bail, des informations sur les éventuels incidents comme le paiement tardif des cotisations sociales) et les analyse sectorielles (disponibles auprès de la Banque de France notamment).
Avant d’entamer la présentation des documents comptables, il convient de dire quelques mots des différentes formes juridiques d’entreprises même s’il convient de noter que les formes en question influencent peu l’analyse financière. On distingue généralement les entreprises personnelles (qui appartiennent en propre à un individu) des entreprises en société dont il existe de multiples formes.Sous forme personnelle, l’entrepreneur est responsable financièrement de ses actes de gestion sur ses biens personnels. Cette forme tend à reculer du fait de cette responsabilité indéfinie des actionnaires. Attention, les entreprises unipersonnelles se développent beaucoup mais il ne faut pas les confondre avec les entreprises individuelles. En société, au contraire, les formes les plus classiques (comme la SARL et la SA) permettent justement de limiter les engagements des actionnaires (l’entreprise peut aussi être unipersonnelle donc n’avoir qu’un seul actionnaire :EURL) à ses seuls apports en capital. Les actions ou parts de ces sociétés permettent de recevoir des dividendes et de voter aux assemblées délibératives. Il faut toutefois noter que les banquier sont tendance à demander aux actionnaires d’engager leur patrimoine personnel, y compris dans ces formes sociétales, ce qui réduit le champ de la protection des actionnaires.
Nous allons dans un autre article passer en revue les documents comptables de l’entreprise en commençant par le bilan. Pour effectuer une lecture financière globale du bilan de l’entreprise, il faut d’abord s’interroger sur le contenu économique des postes de l’actif et ceux du passif du bilan de l’entreprise. Certains éléments sont à retraiter ou à ignorer car ils portent la marque d’une logique purement comptable.
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