La notion de cadre conceptuel comptable est apparue dans les années 1970 aux États-Unis. Il s’ agissait d’introduire plus de rigueur et de cohérence dans les normes. Le cadre conceptuel énonce, pour les états financiers concernés : leurs objectifs, leurs utilisateurs, leurs caractéristiques qualitatives. Il comporte aussi des définitions ainsi que des principes d’évaluation et de comptabilisation à appliquer. L’IASB a publié son cadre conceptuel en 1 989. En France, il n’existe pas de cadre conceptuel comptable explicite. Mais le Code de commerce et le Plan comptable général énoncent des principes généraux à respecter lors de l’établissement des comptes annuels. Il s’agit bien d’un cadre conceptuel implicite.
Le cadre conceptuel n’est pas une norme, mais un document de référence pour l’élaboration des normes. À ce titre, le cadre conceptuel de l’IASB n’est pas concerné par le règlement européen qui impose les IFRS aux sociétés cotées pour leurs comptes consolidés, mais on peut estimer qu’il y a une adoption implicite du cadre par le biais des normes.
Le cadre conceptuel de l’IASB
Le cadre conceptuel de l’IASB définit les concepts qui constituent le fondement de la préparation et de la présentation des états financiers. L’objectif de ce cadre est de fournir une aide pour :
– développer et réviser les normes comptables internationales ;
– élaborer de nouvelles normes traduisant des situations inédites ;
– assister les auditeurs dans leur mission ;
– faciliter 1’interprétation des normes par les utilisateurs.
a. Objectifs des états financiers
Les états financiers comprennent un bilan, un compte de résultat, un tableau des flux de trésorerie, un tableau des variations des capitaux propres. Leur objectif est de fournir une information sur la situation financière et les performances de l’entreprise au service des utilisateurs.
b. Utilisateurs des états financiers
Les états financiers visent à satisfaire les besoins d’informations communs à un nombre important d’utilisateurs. Mais comme les investisseurs financiers sont les preneurs de risques, la mise au point d’états financiers répondant à leurs besoins couvrira aussi ceux des autres utilisateurs.
c. Hypothèses de base
• Comptabilité d’engagement : comptabilisation des créances et des dettes.
• Continuité d’exploitation : les états financiers sont préparés dans une perspective de poursuite d’activité ; dans le cas contraire, il faut indiquer l’hypothèse retenue.
d. Caractéristiques qualitatives
• Intelligibilité : l’information contenue dans les états financiers doit être compréhensible.
• Pertinence : l’information constitue une aide à la prise de décisions.
• Fiabilité : les états financiers doivent être exempts d’erreurs et de biais. Ils doivent traduire la réalité économique des événements, et pas seulement leur forme juridique (« substance overform »). Même si elle ne constitue pas une référence explicite, la prudence est aussi l’une des qualités retenues (pas de surévaluation des actifs ou des produits, pas de sous-évaluation des passifs ou des charges).
• Comparabilité : les états financiers doivent rappeler les informations de l’exercice précédent dans le cadre de la permanence des méthodes.
Le cadre conceptuel de l’IASB fournit ensuite une définition des actifs, des passifs, des capitaux propres, des produits et des charges. Il propose des méthodes d’évaluation : coût historique, coût actuel, valeur de réalisation, valeur actuelle.
Le cadre conceptuel implicite français
a. Objectifs des états financiers
Les états financiers comportent un bilan, un compte de résultat, une annexe et, dans le système développé, un tableau de financement et un tableau des soldes intermédiaires de gestion. Ils doivent donner une image fidèle du patrimoine, de la situation financière et du résultat.
b. Utilisateurs des états financiers
Les états financiers visent à satisfaire les besoins d’informations de l’ensemble des partenaires de l ‘entreprise, notamment les créanciers et les administrations publiques.
c. Principes comptables fondamentaux
Ils recouvrent en partie les hypothèses de base et les caractéristiques qualitatives au sens de l’IASB : prudence, permanence des méthodes, continuité d’exploitation, indépendance des exercices, intangibilité du bilan d’ouverture, non-compensation. Le principe « substance over form » n’est pas retenu explicitement.
En ce qui concerne les méthodes d’évaluation, le cadre conceptuel français privilégie le principe du coût historique (nominalisme monétaire) et le principe de prudence. Les définitions des principales catégories comptables sont également fournies. Dans un souci de convergence avec les normes IFRS elles sont maintenant assez proches des définitions retenues par l’IASB.
Synthèse et perspectives
Le cadre conceptuel comptable est influencé par les priorités de son auteur (le normalisateur). Celui de l’IASB privilégie l’information des investisseurs financiers sur le marché boursier. L’entreprise est assimilée à un actif financier. L’évaluation au coût historique est supplantée parfois par le recours à la valeur actuelle (valeur de marché ou valeur actualisée des flux futurs de trésorerie liés à l’actif ou au passif).
L’État est très présent dans le processus de régulation français. À ce titre, un rôle d’intérêt général est assigné aux états financiers : la protection des intérêts des parties prenantes, avec l’omniprésence du principe du coût historique et du principe de prudence. Le cadre conceptuel n’est pas destiné seulement aux sociétés cotées, mais à l’ensemble des entités, quelle que soit leur taille.
Les cadres conceptuels évoluent dans le temps avec les motivations de leurs auteurs. Ainsi, l’IASB et le normalisateur américain (FASB, Federal Accounting Standards Board) ont tenté de 2006 à 201 3 un travail de révision de leurs cadres conceptuels respectifs en vue d’une convergence. Depuis 2013, l’IASB poursuit seul ce travail de révision de son cadre conceptuel dans la perspective d’une publication en 201 5 .
Un document de discussion a été publié en juillet 201 3. Il concerne l a définition des actifs et des passifs, leur « dé-comptabilisation » (sortie du bilan), leur mesure comptable (choix de la méthode à appliquer), les capitaux propres, la présentation des notes annexes. La notion de business mode/ (modèle économique) est utilisée pour choisir une méthode d’évaluation.
De 2000 à 201 0, l’ ANC s’est engagée dans un processus de convergence vers les normes IFRS, notamment par le biais de la définition des actifs et des passifs. Ce processus s’est interrompu en partie à cause des contraintes fiscales et juridiques. Désormais, l’accent est mis sur la simplification, notamment à l’usage des PME. Par ailleurs, le principe de prudence est réaffirmé, ainsi que l’analyse du compte de résultat. Cette dernière est à relier au business mode/ de l’entité, défini comme « processus opérationnel mis en œuvre par l’entreprise pour créer de la valeur, via un cycle de création de flux de trésorerie » (document ANC, juin 20 13, « Propositions pour une comptabilité plus prudente et centrée sur le business mode/ »).
Application:
Le Plan comptable général (PCG) retient la définition suivante des actifs : un actif est un élément identifiable du patrimoine ayant une valeur économique positive pour l’entité, c’est-à-dire un élément générant une ressource que l’entité contrôle du fait d’événements passés et dont elle attend des avantages économiques futurs.
Analyser cette définition à la lumière du critère de prééminence de la réalité sur l’apparence retenu par l’IASB.
Corrigé
Analyse de la définition
La définition des actifs dépasse la conception patrimoniale traditionnelle. L’actif à comptabiliser n’est pas seulement celui dont l’entité est juridiquement propriétaire (conception traditionnelle du patrimoine), mais aussi celui dont l’entité contrôle la ressource future. Le contrôle économique exercé sur un bien est plus large que la propriété juridique. Il peut notamment s’exercer en vertu d’un contrat.
Le PCG intègre bien ici, en adoptant une définition fournie par le cadre conceptuel de l’IASB, le critère de prééminence de la réalité sur l’apparence.
Les biens dont l’entreprise est propriétaire sont des actifs. Mais qu’en est-il des biens pris en location en vertu d’un contrat ? Ces derniers ont été placés (explicitement) par le PCG en dehors du champ d’application de cette nouvelle définition des actifs.
Il existe ici une divergence entre les comptes individuels et les comptes consolidés des sociétés cotées. Dans les premiers, les biens pris en location ne figurent pas à l’actif . Dans les comptes consolidés avec le référentiel IASB ils apparaissent au bilan…
L’adoption d’une définition issue d’un cadre conceptuel par les auteurs d’un autre cadre conceptuel n’est donc pas sans conséquences.
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