La distinction entre le modèle anglo-saxon et le modèle d’Europe continentale est liée aux caractéristiques économiques, juridiques et culturelles des pays utilisant chaque modèle .
A. Le modèle anglo-saxon
1. Pays concernés
Le modèle comptable anglo-saxon, né au xixe siècle avec la révolution industrielle, s’applique à des pays tels que les États-Unis, l’Australie, le Canada, la Grande Bretagne, les Pays-Bas, la Nouvelle-Zélande et la presque totalité des pays membres du Commonwealth.
2. Caractéristiques du modèle anglo-saxon
a. Caractéristiques économiques
Les besoins en capitaux engendrés par la révolution industrielle ont favorisé le développement des marchés financiers avec une prépondérance des sociétés anonymes. La comptabilité est conçue comme un moyen de diffusion très large de l’information financière, à destination des investisseurs. Pour que l’économie de marché fonctionne, il faut que des investisseurs acceptent de financer des entreprises, que des banquiers ou des fournisseurs fassent crédit. Ces risques ne sont acceptables qu’à la condition d’avoir confiance dans l’information fournie par les entreprises.
Exemple : L’ASB (Accounting Standards Board), normalisateur anglais, défi nit l’objectif de la comptabilité fi nancière comme étant de fournir aux utilisateurs des états fi nanciers des informations utiles sur la situation fi nancière, la performance et l’adaptabilité fi nancière d’une entreprise, pour qu’ils puissent prendre leurs décisions d’investissement.
Le droit comptable anglo-saxon s’appuie dès lors sur le concept d’image fidèle et sur le principe comptable de prééminence du fond sur la forme :
– le respect de l’image fidèle (« true and fair view ») doit permettre aux états financiers de traduire la réalité de la situation économique et financière de l’entreprise. Le respect des normes comptables conduit en principe à atteindre cet objectif ;
– le principe de prééminence du fond sur la forme (ou de prééminence de la réalité économique sur l’apparence juridique, « substance over form » ) implique que les transactions de l’entreprise soient traduites comptablement conformément à leur substance et à leur réalité financière, au-delà de leur forme juridique .
Exemple : Traitement comptable des contrats de location financement : selon le modèle anglo-saxon dans lequel prévaut le principe de « substance over form », le preneur bénéficie des avantages et supporte les risques liés à la propriété de l’actif. En substance, le contrat de location financement constitue un achat à crédit de l’actif concerné. Le bien faisant l’objet du contra test enregistré à l’actif du preneur, avec pour contrepartie une dette fi nancière. Les loyers sont ventilés entre le remboursement de la dette et les charges financières.
b. Caractéristiques juridiques
Les pays anglo-saxons sont des pays de droit coutumier, où la jurisprudence, les usages et la pratique sont prépondérants. Les lois se contentent d’énoncer les principes généraux et ce sont les instances professionnelles qui sont chargées d’établir les normes comptables. Les règles peuvent ainsi s’adapter rapidement à l’évolution de l’environnement économique.
Exemple : – Aux États-Unis, le FASB (Financial Accounting Standards Board) est l’organisation chargée depuis 1973 d’élaborer les normes comptables et de reporting du secteur privé, les USGAAP (Generally Accepted Accounting Principles).
– En Grande-Bretagne, l’ASB (Accounting Standards Board), créé en 1990, remplit un rôle équivalent par la publication des FRS (Financial Reporting Standards), en complément des dispositions de la loi sur les sociétés (The Company Act).
Par ailleurs, la fiscalité est déconnectée de la comptabilité et n’a pas d’influence sur le droit comptable. Le résultat fiscal est calculé indépendamment du résultat comptable, aboutissant à un double jeu de comptes : ceux destinés à l’information financière et ceux destinés à des besoins fiscaux.
c. Caractéristiques culturelles
L’individualité des entreprises est prépondérante. Il n’y a pas de nomenclature comptable imposée, ni d’états de synthèse normalisés, afin de permettre aux entreprises de trouver la solution la plus adaptée à leur taille et à leurs besoins.
Les préparateurs de l’information financière et les auditeurs font référence à un cadre conceptuel, défini comme « un système cohérent d’objectifs et de principes fondamentaux liés entre eux, susceptible de conduire à des normes solides et d’indiquer la nature, le rôle et les limites de la comptabilité financière et des états financiers »(Encyclopédie de comptabilité, de contrôle de gestion et d’audit – cadres comptables conceptuels, Bernard Colasse, Economica).
B. Le modèle d’Europe continentale
Le modèle d’Europe continentale présente les caractéristiques contraires du modèle anglo-saxon.
1. Pays concernés
Le modèle comptable d’Europe continentale recouvre les systèmes comptables de la France, l’Allemagne, la Belgique, la Suisse, l’Espagne, le Portugal, la Grèce, mais aussi du Japon.
2. Caractéristiques du modèle d’Europe continentale
a. Caractéristiques économiques
Depuis la révolution industrielle, les sociétés familiales représentent une large part du tissu économique. Elles sont largement financées par le secteur bancaire. L’information financière est donc historiquement peu diffusée, utilisée essentiellement à des fins de gestion interne.
Le droit comptable privilégie les principes comptables de prudence et de prééminence de la forme sur le fond :
– l’application extensive du principe comptable de prudence permet, par la prise en compte uniquement des moins-values latentes à l’exclusion des plus-values latentes, de minimiser le résultat et donc le paiement de l’impôt et d’éviter le risque de distribution de dividendes fictifs. Le respect très strict de ce principe se fait au détriment de l’objectif d’image fidèle.
Remarque : Cela aboutit également à donner une image plutôt pessimiste de l’entreprise. Le créancier potentiel n’est donc pas trompé lors de sa prise de décision par une présentation trop avantageuse des comptes. Les états de synthèse sont établis en priorité pour les créanciers, plutôt que pour les investisseurs.
– le principe de prééminence de la forme sur le fond implique que l’analyse juridique des transactions de l’entreprise prime sur leur réalité économique.
Exemple : Traitement comptable des contrats de location financement : en France, dans les comptes individuels, les contrats de location financement ne peuvent pas être activés. La primauté juridique du contrat prévaut : le preneur n’est pas propriétaire du bien, il ne peut l’enregistrer à l’actif de son bilan. Les loyers sont enregistrés en charges au compte de résultat.
b. Caractéristiques juridiques
Les pays d’Europe continentale sont des pays de droit écrit. L’État joue un rôle prépondérant dans le processus de normalisation comptable. L’évolution des textes comptables est, de ce fait, plus lente.
En France, l’ANC est placé sous l’autorité du ministère de l’Économie, des Finances et de l’Industrie.
La comptabilité et la fiscalité sont connectées, l’impôt sur les bénéfices étant directement lié au résultat comptable. Cette relation entre comptabilité et fiscalité induit deux types de conséquences :
- la sous-évaluation des résultats des entreprises, afin de minimiser l’impôt ;
- la pollution des états financiers par les règles fiscales (comptabilisation d’amortissements dérogatoires et autres provisions réglementées pour bénéficier d’avantages fiscaux).
En France, les entreprises doivent respecter les règles édictées par le PCG pour la détermination du résultat fiscal, à condition qu’elles ne soient pas incompatibles avec les règles applicables pour l’assiette de l’impôt (CGI – article 38 quater de l’annexe III).En cas de divergence entre les règles comptables et les règles fiscales, des réintégrations ou des déductions sont effectuées sur le tableau n° 2058-A de détermination du résultat fiscal.
c. Caractéristiques culturelles
La tutelle de l’État est prépondérante. La réglementation comptable porte à la fois sur le processus comptable (saisie, stockage et traitement de l’information et existence d’un plan de comptes) et sur l’information produite (états financiers de synthèse normalisés). Il n’y a pas de véritable cadre conceptuel mais des principes comptables, une terminologie et des règles d’évaluation.
C. Le cadre conceptuel américain
1. Origine
La nécessité d’un cadre conceptuel est apparue aux États-Unis au début des années 1970 à la suite de scandales financiers. Les normes comptables américaines, établies par l’AICPA (American Institute of Certified Public Accountants), ont alors été critiquées pour leurs lacunes et leur incohérence interne.
Un comité mis en place par l’AICPA, le comité Trueblood, émet en 1973 un rapport faisant ressortir que l’utilisation d’un cadre conceptuel mettrait plus de rigueur et de cohérence dans les normes comptables.
En 1973, l’AICPA crée le FASB (Financial Accounting Standards Board), qui est chargéde l’élaboration de deux types de normes :
- des normes de concept, les normes SFAC (Statements of Financial Accounting Concepts), pour fixer les objectifs permettant d’élaborer des normes cohérentes et qui servent de guides aux normalisateurs confrontés au traitement comptable d’une opération pour laquelle il n’existe encore aucune réglementation. Ces normes constituent le cadre conceptuel ;
- des normes techniques, les normes SFAS (Statements of Financial Accounting Standards), portant sur des problèmes comptables particuliers.
La norme SFAS 144 « Accounting for the impairment or disposal of long-lived assets », publiée en août 2001, traite des procédures relatives à la dépréciation des actifs.
2. Contenu
Le cadre conceptuel américain a été défini comme « un système cohérent d’objectifs interdépendants et de concepts qui permettent d’aboutir à une comparabilité et à des informations financières uniformes ».
Il se compose de sept normes SFAC publiées entre 1978 et 2000. Le cadre conceptuel américain est très détaillé ; il comporte plus de trois cents pages.
– la norme SFAC 1 « Objectifs de l’établissement des états fi nanciers dans les entreprises »décrit l’environnement et énonce les besoins des utilisateurs de l’information comptable et fi nancière ;
– la norme SFAC 7 « Utilisation de l’information sur les flux de trésorerie et sur la valeur actuelle dans l’information comptable » pose le problème de l’utilisation de la juste valeur comme méthode d’évaluation et présente les méthodologies d’utilisation des flux de trésorerie actualisés et de la valeur actuelle dans l’évaluation des actifs et des passifs.
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