« Le contrôle conjoint est le partage du contrôle d’une activité économique en vertu d’un accord contractuel ». Ce contrôle suppose un nombre limité d’associés ou d’actionnaires, le plus souvent deux, parfois trois, très rarement plus. La caractéristique essentielle de la co-entreprise, quelle que soit sa forme, est l’existence d’un accord contractuel qui en définit les modalités.
Les trois formes de co-entreprise
La norme IAS 31 identifie trois grandes formes de co-entreprise : les activités contrôlées conjointement, les actifs contrôlés conjointement et les entités contrôlées conjointement.
• L’activité contrôlée conjointement est la production et la vente conjointe d’un même produit par les co-entrepreneurs. La norme IAS 31 utilise l’exemple d’un avion construit en commun. Chaque co-entrepreneur utilise ses propres actifs, compétences et ressources. Il assume ses propres charges et lève ses propres financements. L’accord de coentreprise prévoit la répartition des opérations de production ainsi qu’un mode de partage des produits entre les co-entrepreneurs. L’activité contrôlée conjointement ne conduit pas à la création d’une nouvelle entité juridique. Les produits et charges, actifs et dettes relatifs à la co-entreprise figurant déjà dans les comptes individuels de chacun des co-entrepreneurs, ce cas ne pose donc pas de question de consolidation.
• Certaines co-entreprises supposent la co-propriété d’un actif ou d’un ensemble d’actifs contrôlés conjointement, ces actifs servant à procurer des avantages économiques aux co-entrepreneurs. La norme IAS 31 prend l’exemple d’un oléoduc possédé conjointement par plusieurs sociétés pétrolières. Chaque co-entrepreneur utilise l’oléoduc pour transporter son produit et assume une partie des charges liées à son activité, conformément à ce que prévoit l’accord contractuel. Chaque co-entrepreneur fait déjà figurer dans ses comptes individuels sa quote-part dans l’actif commun, les produits et charges liés à l’utilisation de cet actif, les dettes souscrites pour financer sa part d’actif. Ce mode de co-entreprise ne conduit pas non plus à la création d’une entité juridique distincte et ne pose donc pas de question de consolidation.
• L’entité contrôlée conjointement est une forme de co-entreprise impliquant la création d’une structure juridique contrôlée par un nombre limité de co-associés. Seule cette troisième forme de co-entreprise donne lieu à une opération de consolidation.
Définition de l’entité contrôlée conjointement
L’entité contrôlée conjointement passe des contrats en son nom, lève les financements nécessaires à son activité, établit ses propres comptes individuels. Les co-associés peuvent apporter à cette entité des compétences, du matériel, de la trésorerie… qui sont comptabilisés dans les comptes individuels de la co-entreprise. Chaque co-associé a droit à une quote-part dans les résultats de l’entité contrôlée conjointement.
La norme IAS 31 énonce que c’est l’existence d’un accord contractuel qui permet de distinguer l’entité contrôlée conjointement d’une participation dans laquelle l’investisseur exerce une influence notable. Autrement dit, sans accord contractuel, on ne peut pas parler d’entité contrôlée conjointement.
Cet accord contractuel est normalement constaté par écrit. Il peut figurer dans les statuts ou dans les règlements de l’entité contrôlée conjointement. Il peut être matérialisé par un contrat entre les différents co-associés ou le procès verbal de leurs discussions. Il traite habituellement des questions suivantes :
– l’activité, la durée et les obligations de communication financière de l’entité contrôlée conjointement ;
– la désignation du conseil d’administration ou autre organe de direction similaire de l’entité et les droits de vote des co-associés ;
– les apports en capital des co-associés ;
– le mode de désignation du gérant…
Plus largement, l’accord contractuel identifie les décisions « essentielles » qui nécessitent le consentement unanime de tous les co-associés. Toute modification de l’accord contractuel d’origine portant sur des décisions « essentielles » nécessite en effet l’accord unanime des co-associés. Autrement dit, pour qu’il y ait contrôle conjoint, aucun co-associé ne peut être en mesure d’imposer sa volonté aux autres co-associés sur ces décisions essentielles.
Apportons les précisions suivantes concernant le contrôle conjoint :
Le plus souvent, les co-associés détiennent une part identique du capital, par exemple une participation à 50/50. L’égalité de participation ne constitue toutefois pas une condition indispensable, le critère essentiel étant, rappelons-le, l’existence d’un accord contractuel.
Il est compatible avec l’existence d’actionnaires ou d’associés minoritaires ne participant pas au contrôle conjoint. La répartition du capital peut être par exemple de 40/40/20 : deux co-entrepreneurs détiennent chacun 40 % du capital tandis qu’un ou plusieurs minoritaires détiennent les 20 % restant.
L’accord contractuel peut prévoir que la gérance de l’entité contrôlée conjointement est assurée par un des co-associés, de façon permanente ou alternée. Ce gérant ne définit pas les politiques opérationnelles et financières mais il se contente de les mettre en oeuvre en vertu des pouvoirs qui lui ont été délégués.
Méthode de consolidation applicable aux entreprises contrôlées conjointement
L’intégration proportionnelle que nous expliquons dans le chapitre suivant constitue, pour la norme IAS 31, la méthode de référence. Cette méthode consiste à intégrer dans les comptes consolidés la quote-part des actifs, dettes, charges et produits de la co-entreprise revenant au groupe. Elle traduit le mieux, selon la norme IAS 31, la réalité économique de la co-entreprise.
La mise en équivalence est cependant admise comme une méthode alternative pour les co-entreprises sans pour autant être recommandée. La solution préconisée par les normes IAS/IFRS diverge de celle adoptée par les US GAAP. Les règles américaines ne reconnaissent pas l’intégration proportionnelle et appliquent systématiquement la mise en équivalence aux entreprises contrôlées conjointement. Les adversaires de l’intégration proportionnelle font valoir que les co associés ne contrôlent pas en réalité les actifs des entités contrôlées conjointement. Prenons un exemple illustrant ce point de vue : Une entreprise est contrôlée conjointement par deux co-associés ayant une participation de 50 % chacun. La co-entreprise dispose d’une trésorerie excédentaire de 10 millions.
Il est peu probable, que le règlement de la coentreprise autorise chaque co-associé à disposer de la moitié des excédents de trésorerie dans le cadre d’une centralisation de leur trésorerie. L’intégration proportionnelle conduirait toutefois à inscrire au bilan de chaque coassocié 5 millions d’excédent de trésorerie dont ils ne disposent pas en réalité, créant ainsi une « illusion d’optique ».
La norme IAS 31 propose deux modes de présentation différents des comptes consolidés dans le cadre de l’intégration proportionnelle :
– la quote-part de chacun des postes d’actif, passif, produits et charges de l’entreprise intégrée proportionnellement est intégrée ligne par ligne avec ceux des entreprises intégrées globalement. Ainsi, par exemple, la quotepart dans le stock des entreprises intégrées proportionnellement est additionnée au stock des entreprises intégrées globalement ;
– la quote-part de chacun des postes d’actif, passif, produits et charges des entreprises intégrées proportionnellement figure de façon distincte dans les comptes consolidés. Par exemple, la quote-part des excédents de trésorerie des entreprises intégrées proportionnellement figure sur une ligne distincte des excédents de trésorerie des entités intégrées globalement.
Ces deux modes de présentation aboutissent évidemment à des totaux identiques. La seconde présentation nous paraît toutefois apporter une réponse satisfaisante aux adversaires de l’intégration proportionnelle car les actifs que le groupe ne contrôle pas directement apparaissent de façon distincte au bilan. À ce jour, nous ne connaissons pas de groupe utilisant ce mode de présentation.
Exemples d’entités contrôlées conjointement consolidées par intégration proportionnelle
- Un groupe aéronautique européen crée une filiale à 50/50 avec une entreprise du même secteur d’activité. Chacun des groupes co-associés met à disposition de la filiale commune du personnel et des moyens techniques. Chaque groupe estime justifié de continuer à intégrer dans ses comptes consolidés les moyens qu’ils ont apportés à cette entreprise commune ainsi que la quote-part de chiffre d’affaires leur revenant.
- Deux groupes décident de créer des filiales communes de distribution assurant la vente de leurs productions respectives en vins et spiritueux. Ces entités détenues à 50/50 sont consolidées par intégration proportionnelle chez chaque co-associé. L’accord contractuel prévoit que les personnes à des postes clés tels que directeur général, directeur commercial, directeur financier sont choisies par alternance parmi le personnel de l’un et de l’autre groupe.
- Les groupes énergétiques utilisent fréquemment l’intégration proportionnelle pour leurs centrales électriques en coparticipation.
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