La méthode des coûts complets et le raffinement éventuel de ses ventilations répond essentiellement à des exigences réglementaires ou contractuelles (le juste prix au sens de « justice »). Si l’entreprise signe un contrat avec des partenaires (sous-traitance, marchés exclusifs, activités communes, mandataires communs, …) sa comptabilité analytique doit être adaptée au contrat afin de permettre d’en suivre les effets.
L’entreprise peut être également soumise de la part d’organismes administratifs à la surveillance de ses coûts de revient, notamment dans le cas de marchés publics. Des règles très précises peuvent alors lui être imposées dans son système comptable.
Mais les coûts complets n’ont pas les qualités requises pour exercer un contrôle des responsabilités (qualités de « sensibilité » et de « fidélité »). Cela est dû au caractère inévitablement conventionnel de certaines ventilations de charges indirectes et à l’existence de charges qui, ne variant pas proportionnellement avec l’activité du centre concerné par le contrôle, sont qualifiées de charges fixes.
Les coûts complets n’ont pas non plus la qualité de « justesse » requise pour orienter les choix industriels ou commerciaux, tels que ceux de sous-traiter, d’arrêter une fabrication, ou de consentir une ristourne par rapport à un barème officiel.
Coûts complets et contrôle
Considérons par exemple le coût de production global d’un produit A fabriqué par un atelier A. A un horizon temporel déterminé, certains éléments de ce coût varient en fonction des quantités produites (c’est souvent le cas, à court terme, pour les consommations de matières premières, et à un peu plus long terme pour les frais de main-d’œuvre ouvrière).
Mais d’autres frais (comme l’amortissement des machines ou les salaires des contremaîtres et du chef d’atelier) restent relativement invariables.Les variations du niveau d’activité, dont le chef d’atelier n’est pas responsable, entraînent ainsi des fluctuations du coût complet unitaire de production, qui peuvent masquer et donc décourager des efforts réels de productivité de la main d’œuvre et d’économie de matières premières : le coût unitaire complet n’est pas un instrument de contrôle « sensible ».
Par ailleurs, ce même coût peut dépendre non seulement du propre niveau d’activité de l’atelier A, mais également de celui des ateliers voisins : c’est l’effet des ventilations de charges indirectes telles que frais d’entretien, de gestion de personnel ou des bâtiments, etc. , qui sont généralement imputées aux coûts de production selon des critères liés aux niveaux d’activité respectifs des ateliers de production (par exemple au prorata des charges directes, supposées variables, de chaque atelier, ou encore des seules charges directes de main d’œuvre.
Le coût unitaire de production n’est donc pas « fidèle » puisqu’à deux situations identiques de l’atelier A peuvent correspondre deux valeurs différentes de ce coût.
Coûts complets et décision
Lorsque se pose le problème de cesser, de diminuer, de maintenir ou d’accroître une production, par exemple celui de sous-traiter, ou encore celui d’accepter ou de refuser une ristourne demandée par un client, la tentation est grande de se livrer à la comparaison entre coûts de revient et prix de vente pour savoir si telle ou telle vente ou fabrication est « rentable ». Ce raisonnement, souvent effectué, est fallacieux car il ne correspond pas à une évaluation correcte du coût de la décision pour l’observateur considéré. En particulier le coût de revient ne représente pas, du fait de l’existence de charges fixes, non modifiées par la décision, ce qu’on économiserait vraiment en diminuant une production, ni ce qu’on dépenserait vraiment en l’accroissant.
Les autres systèmes de comptabilité analytique
Pour répondre aux critiques faites aux coûts complets, d’autres méthodes ont été mises au point lors des quarante dernières années. Deux de ces méthodes, fondées sur la distinction entre coûts fixes et coûts variables, ont été conçues pour tenter de mieux prendre en compte et contrôler les effets des variations d’activité. Il s’agit d’une analyse en coûts partiels, variables cette fois, appelée couramment de son nom américain « direct costing », et d’une méthode spéciale d’imputation des charges fixes appelée « imputation rationnelle ».
Par ailleurs, contrôler ne signifie pas uniquement observer des évolutions réelles pour en rechercher les causes. Cela peut aussi consister à comparer des réalisations effectives avec des normes prises au préalable comme objectifs. Les comptables ont alors cherché à mettre en évidence les écarts entre les coûts constatés et des coûts dits préétablis (notamment des coûts standard). Cela a permis l’établissement de systèmes de contrôle de gestion dont nous verrons les principales .
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