Définir le périmètre de consolidation consiste à établir la liste de toutes les entreprises à consolider et à déterminer la méthode de consolidation qui leur est applicable. C’est la première étape du processus de consolidation. Le principe est strict : comme nous allons le voir, toutes les entreprises contrôlées ou sous influence notable doivent être consolidées. Les exceptions à ce principe sont en normes IAS/IFRS extrêmement limitées, ces normes s’efforçant de lutter les montages déconsolidants dont le but est souvent « cosmétique ».
De tout temps, de nombreux groupes se sont en effet efforcés de déconsolider des entreprises fortement endettées ou ayant de mauvais résultats et dont l’intégration pénalise leurs ratios. L’idée fondamentale sur laquelle repose l’existence du groupe est la notion de contrôle. Le groupe se définit comme une « unité de contrôle ». Le contrôle est une notion avant tout juridique et non financière. Il est vrai que le contrôle d’une entreprise s’obtient le plus fréquemment par la détention de la majorité de son capital. Toutefois, ce sont les droits de vote obtenus grâce à ces actions qui sont déterminants pour qualifier le contrôle et non l’apport financier réalisé par la société mère. Nous verrons plusieurs cas où la société mère contrôle une filiale sans détenir la majorité de ses actions, ni même parfois une seule action (le cas des entités ad hoc) ! La détermination du périmètre de consolidation suppose des connaissances juridiques portant notamment sur les différentes catégories de valeurs mobilières, les clauses statutaires, les conventions entre actionnaires.
La détermination du périmètre est de la responsabilité de la société mère mais celui-ci est bien entendu validé par les auditeurs chargés de certifier les comptes consolidés. Il incombe notamment à ces derniers d’apprécier la nature du contrôle exercé sur les différentes participations. L’omission volontaire d’une entreprise du périmètre nuit à l’image fidèle du groupe et peut induire en erreur l’analyste externe. Dès lors, elle est sanctionnée pénalement dans la plupart des pays et a déjà conduit des dirigeants et directeurs financiers de groupe en prison !
Définir le périmètre de consolidation consiste à déterminer les entreprises sur lesquelles la société mère exerce un contrôle exclusif, conjoint ou une influence notable.
les entreprises sous contrôle exclusif
La norme IAS 27 définit le contrôle comme étant « le pouvoir de diriger les politiques financière et opérationnelle d’une entreprise afin d’obtenir des avantages de ses activités ». On appelle filiale une entité contrôlée de façon exclusive. La norme IAS 27 définit ci-dessous les différentes circonstances permettant d’obtenir le contrôle exclusif sur une entité.
Norme IAS 27
« Une société mère est présumée exercer le contrôle lorsqu’elle détient directement ou indirectement par l’intermédiaire de ses filiales plus de la moitié des droits de vote d’une entreprise, sauf si dans des circonstances exceptionnelles, il peut être clairement démontré que cette détention ne permet pas le contrôle. Le contrôle existe également lorsque la mère, détenant la moitié ou moins de la moitié des droits de vote d’une entreprise, dispose :
1. du pouvoir sur plus de la moitié des droits de vote en vertu d’un accord avec d’autres investisseurs ;
2. du pouvoir de diriger les politiques financière et opérationnelle de l’entreprise en vertu des statuts ou d’un contrat ;
3. du pouvoir de nommer ou de révoquer la majorité des membres du conseil d’administration ou de l’organe de direction équivalent ; ou
4. du pouvoir de réunir la majorité des droits de vote dans les réunions du conseil d’administration ou de l’organe de direction équivalent ».Ces dispositions nous permettent d’identifier plusieurs modes d’exercice du contrôle. Le contrôle, comme nous allons le voir n’est pas toujours lié à la propriété des titres en capital. Les entreprises sous contrôle exclusif doivent être consolidées selon la méthode de l’intégration globale que nous examinerons dans le chapitre suivant.
Le contrôle de droit
Il consiste à détenir la majorité des droits de vote de l’entreprise (plus de 50 %), directement ou indirectement par l’intermédiaire d’une entité contrôlée (ou filiale). Ces droits de vote s’exercent à l’assemblée générale des actionnaires, ils déterminent la nomination des membres des organes de direction (gérance, conseil d’administration, directoire) et de contrôle (conseil de surveillance).
Le moyen de contrôle le plus fréquent d’une entreprise est la détention de la majorité de ses titres. Rappelons qu’une action constitue un titre de propriété sur l’entreprise et qu’à chaque action ordinaire sont attachés deux attributs fondamentaux : un droit à dividende (droit pécuniaire) et un droit de vote. Toutefois, nous verrons dans ce chapitre qu’il n’y a pas toujours symétrie entre droit à dividende et droit de vote. Une bonne compréhension de la notion de pourcentage de contrôle est donc indispensable pour déterminer s’il y a ou non contrôle sur une entreprise.
La détermination du pourcentage de contrôle
Attention ! Ne confondons pas deux notions distinctes et qui ont chacune un usage différent :
• Le pourcentage de contrôle de la société mère dans une société du groupe est égal au cumul des pourcentages de droits de détenus par la société mère dans les assemblées générales ordinaires de cette société, soit directement, soit indirectement par l’intermédiaire d’entités sous contrôle exclusif. C’est ce pourcentage qui nous intéresse dans ce chapitre pour déterminer si une entreprise est contrôlée et donc doit être consolidée.
• Le pourcentage d’intérêt détermine la quote-part du résultat et des capitaux propres d’une entreprise consolidée revenant au groupe, quelle que soit la méthode de consolidation. Il est également calculé en tenant compte des participations directes et indirectes dans l’entreprise. il est sans incidence pour qualifier la nature du contrôle sur une entité. Par contre, il est utilisé pour réaliser la consolidation des comptes.
Ces pourcentages se déterminent en fonction de la situation à la clôture de l’exercice.
Pour calculer le pourcentage de contrôle, il est nécessaire de prendre en compte les différents types de liaisons entre la société mère et les entités du groupe. En outre, ce pourcentage est parfois affecté par l’existence de valeurs mobilières spéciales, de certaines clauses statutaires ou de conventions entre actionnaires.
Les différents types de liaison au sein du groupe
➤ Liaison directe
La liaison est directe lorsque la société mère détient directement les actions d’une entreprise. Le pourcentage de droit de vote est alors égal au pourcentage de droit de vote détenu directement par la société mère.
➤ Liaison indirecte unique
La liaison est dite indirecte lorsque la société mère contrôle ou exerce une influence notable sur une entreprise par l’intermédiaire d’une filiale qu’elle contrôle de façon exclusive (figure 3.1). Dans la situation illustrée par la figure 3.1, le pourcentage de contrôle de SM dans F2 est de 80 %. SM contrôlant F1, elle contrôle l’exercice des droits de vote que F1 exerce à l’assemblée de F2. Le pourcentage d’intérêt de SM dans F2 est quant à lui de 56 %, il se calcule de façon arithmétique (70 % × 80 %). Rappelons que le pourcentage d’intérêt ne sert pas à définir le périmètre, il est utilisé pour l’établissement des comptes consolidés.
La figure 3.2 montre un exemple de rupture du contrôle au niveau de F1. SM ne contrôlant pas F1, ne peut contrôler les droits de vote de F1 dans F2. Le pourcentage de contrôle de SM dans F2 est donc nul. Le pourcentage d’intérêt est quant à lui de 24 % (30 % × 80 %). Pour savoir si une entité est ou non contrôlée, il est nécessaire, en partant de cette entité, de remonter jusqu’à la société mère pour déterminer si la chaîne de contrôle est ou non maintenue à chaque échelon.
➤ Pluralité de liaisons, directe et indirectes
En cas de pluralité de liaisons, directe et indirectes, le pourcentage de contrôle est égal à l’addition des droits de vote détenus directement par la société mère et indirectement par l’intermédiaire des entreprises que la société mère contrôle de façon exclusive. Il n’est pas tenu compte des droits de vote détenus par les entreprises sur lesquelles la société mère exerce un contrôle conjoint ou une influence notable. Dans la situation illustrée par la figure 3.3, le pourcentage de contrôle de M dans F2 est de 80 %. On additionne les 20 % de participation directe et les 60 % contrôlés indirectement par l’intermédiaire de F1 qui est contrôlée de façon exclusive par M. Le pourcentage d’intérêt est quant à lui toujours calculé de façon arithmétique, 68 % [20 % + (80 % × 60 %)].
➤ Liaison réciproque
Il n’est pas tenu compte de cette liaison réciproque pour le calcul des droits de vote de SM dans F1. Dans l’exemple illustré par la figure 3.4, le pourcentage de contrôle de SM dans F1 demeure de 70 % malgré la participation de 7 % de F1 dans M. Les actions de F1 dans M constituent par ailleurs des actions d’autocontrôle qui sont soumises à une réglementation spécifique (voir infra).
➤ Liaison circulaire
La figure 3.5 illustre le cas d’une liaison circulaire ne bouclant pas sur la société mère. Pour le calcul des droits de vote de SM dans F1, en cas de liaison circulaire, il faut rechercher les droits de vote pouvant être utilisés par SM lors de l’assemblée générale de F1, il est de 92 %. SM contrôle F1 directement, F2 par l’intermédiaire de F1 et F3 par l’intermédiaire de F2.
Existence de valeurs mobilières spéciales
Certains titres provoquent une dissymétrie entre le droit à dividendes et le droit de vote :
1. Les statuts ou l’assemblée générale extraordinaire peuvent décider de la création d’actions à droit de vote double. Elles permettent à un chef d’entreprise d’augmenter les capitaux propres en faisant entrer de nouveaux actionnaires, quitte à devenir minoritaire en capital, tout en conservant le contrôle de son entreprise. Les nouveaux investisseurs détiennent en effet des actions ordinaires avec un droit de vote simple.
2. D’autres actions confèrent un dividende prioritaire à leur détenteur en échange de la perte du droit de vote. Ces actions peuvent être attribuées à des investisseurs financiers davantage préoccupés par les revenus de leur investissement que par la participation aux politiques de l’entreprise.
3. L’entreprise peut décider de fractionner une partie de ses actions en certificat d’investissement et certificat de droit de vote. Les certificats d’investissement correspondent aux droits pécuniaires de l’action (droit aux dividendes et au boni de liquidation). Les certificats de droit de vote confèrent un droit de vote aux assemblées générales. Ils sont obligatoirement nominatifs. Seuls les certificats de droit de vote sont pris en compte pour le calcul du pourcentage de contrôle. Ce « fractionnement » des actions entre certificat d’investissement et certificat de droit de vote a été introduit en France à l’occasion du programme de nationalisation au début des années 80. Il a permis à l’État de garder le contrôle de grandes entreprises tout en faisant appel public à l’épargne. Ces valeurs mobilières sont très peu utilisées aujourd’hui. En France, l’ordonnance du 24 juin 2004 a unifié le régime des actions accordant des droits spéciaux en créant le statut d’action de préférence.
4. De plus en plus d’actions sont démembrées conduisant à scinder l’usufruit et la nue propriété. L’usufruitier a le droit aux dividendes et les droits de vote à l’assemblée générale ordinaire (AGO) et le nu propriétaire les droits de vote à l’assemblée générale extraordinaire (AGE), sauf clause contraire des statuts. Les décisions relatives aux politiques financière et opérationnelle relevant de l’AGO, ce sont les droits de vote de l’usufruitier qui sont pris en compte pour déterminer le pourcentage de contrôle. Les décisions de l’AGE portent quant à elles sur la modification des statuts.
5. Des valeurs mobilières permettent la création d’actions nouvelles à l’initiative de leur détenteur : les bons de souscription d’action, options d’achat d’action, obligations convertibles en actions. Tant que ces instruments ne sont pas exercés ou que la conversion en actions n’a pas été demandée, les actions nouvelles n’existent pas et les droits de vote leur étant attachés ne sont que potentiels. L’interprétation SIC-33 prévoit toutefois que les droits de vote potentiels résultant d’instruments exerçables ou convertibles doivent être pris en compte pour le calcul du pourcentage de contrôle sous deux conditions :
– lorsqu’on se situe à la date de clôture, les droits de vote peuvent être exercés ou convertis à tout moment (A contrario, si l’exercice ou la demande de conversion ne peut être réalisé qu’à une date ultérieure, ces droits de vote potentiels ne sont pas pris en compte) ;
– aucun élément ne rend la conversion très peu probable (par exemple, un prix d’exercice défavorable par rapport à la valeur actuelle de l’action).
Clauses statutaires ou dispositions législatives influant sur les droits de vote à l’assemblée des actionnaires
Dans de nombreux pays, la loi permet aux statuts de limiter le nombre de voix dont chaque actionnaire dispose dans les assemblées, indépendamment du nombre d’actions détenues.
Le contrôle de fait
Il y a contrôle de fait lorsque dans la pratique, la mère nomme la majorité des membres de l’organe de direction sans détenir la majorité, soit plus de 50 %, des droits de vote de l’entreprise. Ce contrôle résulte simplement du fait que la mère est le principal actionnaire, le reste du capital pouvant être dispersé entre plusieurs autres actionnaires.
Les normes américaines ne reconnaissent pas le contrôle de fait. Ainsi, une filiale contrôlée à 50 % ou moins peut être intégrée dans les comptes d’un groupe en normes IFRS/IAS et ne le sera pas en normes américaines.
Le contrôle en vertu de clauses contractuelles
Le contrôle en vertu d’un contrat avec d’autres investisseurs
L’accord dont il est question ici est la convention de droits de vote qui constitue un cas particulier de pacte d’actionnaires. Par cette convention, un ou plusieurs actionnaires s’engagent à voter conformément à la volonté d’un autre actionnaire, bénéficiaire de la convention. Grâce à cette convention, le bénéficiaire peut obtenir la majorité des droits de vote. Cette convention ne produit ses effets qu’entre les parties qui l’ont signée et n’est pas opposable à la société. Son non respect n’entraîne par conséquent pas la nullité des décisions votées à l’assemblée mais permet seulement d’engager une action judiciaire contre les actionnaires n’ayant pas respecté leur engagement.
Cette convention est donc un moyen de contrôle plus fragile que la détention directe ou indirecte de droits de vote.
Le cas des conventions de portage
L’entreprise n’ayant pas les moyens financiers de financer l’intégralité d’une acquisition peut demander à un établissement de crédit de porter financièrement une partie des actions de la société acquise. La convention de portage est la convention par laquelle :
- un organisme financier, appelé porteur, s’engage vis-à-vis d’une entreprise à acquérir et détenir des actions d’une autre entreprise et à les lui vendre à une date future (promesse de vente) ;
- l’entreprise bénéficiaire de cet engagement s’engage quant à elle à racheter ces actions à une date future (promesse d’achat) ;
- le prix de cession des titres est déterminé dans la convention de portage. Il ne dépend donc pas des résultats réalisés au cours de la période du portage par l’entreprise faisant l’objet de la convention ;
- le bénéficiaire du portage s’engage à verser une rémunération fixe au porteur sous la forme d’intérêts calculés sur le prix auquel ce dernier a acquis les titres.
La convention définit l’exercice des droits de vote et aux dividendes du porteur au cours de la période du portage. Fréquemment, les actions du porteur gardent leur droit de vote mais le porteur s’engage à les exercer dans le sens voulu par le bénéficiaire du portage (convention de droit de vote). La convention prévoit si les dividendes auxquels donnent droit les actions du porteur s’ajoutent ou non à la rémunération due à celui-ci.
Dans ce cas, le groupe ne possède pas les droits de vote mais les détient grâce au pacte d’actionnaire.
Illustration:
Un groupe agroalimentaire que nous appellerons A souhaite racheter un concurrent que nous appellerons l’entreprise B. Le groupe A, n’ayant pas les moyens de financer l’acquisition de 100 % des actions de B, passe alors un accord avec sa principale banque aux termes desquels la banque rachète aujourd’hui 60 % des actions de B, A achetant les 40 % restant.Par convention, la banque s’engage à détenir les titres de l’entreprise B pendant 8 ans et à les revendre à A à l’issue de cette période. A s’engage quant à lui, à racheter les actions de B à la banque. Si toutefois, au bout des 8 ans, le groupe A ne pouvait exercer son obligation vis-à-vis de la banque, celle-ci peut revendre sa participation dans B à des tiers.
Le prix de cession des actions de B au bout de 8 ans est égal au prix payé par la banque lors de leur acquisition. Cette convention exclut donc toute possibilité de plus ou moins value de cession pour la banque.
La banque se rémunère grâce à des intérêts annuels calculés sur le prix d’acquisition. La banque ne dispose pas de poste d’administrateur. Par une convention de droit de vote, elle s’engage à voter dans le sens voulu par le groupe A. Les dividendes distribués par B viennent en déduction de la rémunération contractuelle.
C’est le groupe A qui consolide par intégration globale l’entreprise B car il contrôle la totalité des droits de vote bien qu’étant minoritaire en capital. Le porteur comptabilise quant à lui les actions qu’il détient dans B comme une simple participation.
Contrôle économique (ou en substance) des entités « ad hoc »
Le contrôle économique (ou en substance) passe par la conclusion d’un contrat entre le groupe et une entité exerçant son activité à son service. Ces dernières années, de nombreux groupes ont initié des montages juridiques complexes ayant pour effet de dé consolider des actifs (stocks, créances client, immobilisations…) ainsi que la dette finançant ces actifs. Le but de ces montages a été d’améliorer les ratios de rentabilité des capitaux investis et d’endettement. La notion de contrôle économique ou en substance a été définie par les organismes de réglementation comptable pour lutter contre ces montages déconsolidants. L’expression « en substance » signifie que le contrôle s’apprécie ici en fonction de critères économiques et non juridiques comme nous l’avons fait jusqu’à présent. Elle est à rapprocher du principe « Substance over form » ou prééminence de la réalité économique sur l’apparence juridique.
Qu’est-ce qu’une entité ad hoc ?
C’est une entité créée spécifiquement pour réaliser une opération ou une série d’opérations pour le compte d’une entreprise, par exemple : financer un stock, des créances client, réaliser des opérations de location, etc. L’entité ad hoc a été le plus souvent initiée par l’entreprise au service de laquelle elle travaille et son activité prédéterminée par elle. L’entreprise réalise des transactions avec l’entité ad hoc : elle transfère des actifs, obtient le droit d’utiliser les actifs détenus par l’entité ad hoc, réalise des services pour le compte de cette entité, etc. D’autres parties apportent quant à elles les capitaux nécessaires pour financer les actifs. Cette entité peut prendre des formes juridiques très diverses : société de capitaux ou de personnes, GIE, coopérative, entité sans personnalité morale (cas de la titrisation), ce qui la rend parfois difficile à appréhender.
L’entreprise contrôle les politiques financière et opérationnelle de l’entité ad hoc en vertu d’un contrat la liant aux apporteurs de capitaux. Ces clauses imposent des limitations strictes et permanentes au pouvoir de décision des organes de direction nommés par les apporteurs de capitaux. Elles prévoient fréquemment que la politique opérationnelle de l’entité ne pourra pas être modifiée sans l’accord de l’entreprise. Ce contrat assure en quelque sorte un « pilotage automatique » par l’entreprise même si celle-ci a une part faible,voire nulle dans le capital de l’entité ad hoc. C’est pour cette raison que l’on utilise également l’expression de « contrôle contractuel ».
Les apporteurs de capitaux sont fréquemment des établissements de crédit qui créent ce montage pour le compte du groupe. Il s’agit parfois des fournisseurs du groupe.
Exemple
Un groupe automobile crée un groupement d’intérêt économique auquel ses fournisseurs de pièces détachées sont contraints d’adhérer. L’objet du GIE est de porter financièrement le stock de pièces détachées. Formellement, il achète les pièces détachées aux fournisseurs et les revend au groupe au moment de leur utilisation. Ne détenant aucune part de ce GIE, le groupe automobile qui en est pourtant le réel bénéficiaire ne le consolide pas.
Nous allons voir maintenant pourquoi un tel type de montage n’est pas déconsolidant en normes IAS/IFRS.
Le traitement en consolidation des entités ad hoc
L’interprétation SIC-12 dispose qu’une « entité ad hoc doit être consolidée quand en substance, la relation entre l’entité ad hoc et l’entreprise indique que l’entité ad hoc est contrôlée par l’entreprise ». L’entreprise doit consolider l’entité ad hoc même si elle ne détient aucune action ! Les normes IAS/IFRS sont plus strictes que les normes américaines qui n’imposent la consolidation d’une entité ad hoc que lorsque l’entreprise détient au moins 3 % du capital de cette entité. En France, la loi de sécurité financière du 1er août 2003 s’est alignée sur les normes IAS/IFRS en n’exigeant plus de lien en capital pour rendre obligatoire l’intégration une entité ad hoc dans le périmètre de consolidation.
L’interprétation SIC-12 définit ensuite les critères définissant la nature du contrôle sur une entité ad hoc, en plus de ceux définis par la norme IAS 27 vus précédemment :
1. en substance, les activités de l’entité ad hoc sont menées pour le compte de l’entreprise, selon ses besoins opérationnels spécifiques de façon à ce que l’entreprise obtienne les avantages de l’activité de l’entité ad hoc ;
2. en substance, l’entreprise a les pouvoirs de décision pour obtenir la majorité des avantages des activités de l’entité ad hoc ou, en mettant en place un mécanisme de « pilotage automatique », l’entreprise a délégué ces pouvoirs de décision ;
3. en substance, l’entreprise a le droit d’obtenir la majorité des avantages de l’entité ad hoc et par conséquent peut être exposée aux risques liés aux activités de l’entité ad hoc ; ou
4. en substance, l’entreprise conserve la majorité des risques résiduels ou inhérents à la propriété relatifs à l’entité ad hoc ou à ses actifs afin d’obtenir des avantages de ses activités.
L’obligation pour une entreprise de consolider une entité ad hoc repose en définitive sur trois critères clés : le pouvoir de décision, le droit à la majorité des bénéfices, l’exposition à la majorité des risques liés à l’activité de l’entité ad hoc.
Un franchisé ou un concessionnaire ne peuvent être considérés comme une entité ad hoc. Même s’ils s’obligent à se fournir exclusivement auprès d’une autre entreprise, ils réalisent leur activité pour leur propre compte, tirant les avantages de leurs activités et en en supportant les risques.
Lorsque ces trois critères sont remplis, l’entité ad hoc doit être consolidée par intégration globale dans les comptes de l’entreprise pour laquelle elle réalise ses opérations. Cette solution se justifie par le fait que l’entreprise contrôle les actifs de l’entité. Si cette entité est détenue exclusivement par des personnes extérieures au groupe, ses capitaux propres seront par conséquent inscrits en totalité en intérêts minoritaires.
Exemple
Avec la première application des normes IAS/IFRS, un groupe renommé de cognac a réintégré une entité ad hoc dans ses comptes consolidés à la demande des auditeurs. Cette entité détenue par un ensemble de producteurs coopérateurs détient le stock d’eau-de-vie pour le compte exclusif du groupe.
La complexité croissante des montages déconsolidants
Avec l’introduction des normes IAS/IFRS, la plupart des entités ad hoc perdent de leur intérêt car elles doivent être consolidées. Certains groupes ont choisi de sophistiquer le montage juridique de leurs entités ad hoc afin de conserver leur caractère déconsolidant, préservant ainsi leurs ratios d’endettement.
Illustration :
TOUAX est un groupe coté leader dans la location opérationnelle de conteneurs maritimes, barges fluviales, constructeurs modulaires… Il a réalisé plusieurs opérations de titrisation d’actifs à des entités détenues par des investisseurs (GIE et trusts). L’annexe justifie leur absence de consolidation par rapport à l’interprétation SIC 12.
« Ces opérations de titrisation ont permis au groupe d’accroître sa capacité de loueur opérationnel, en faisant appel à des investisseurs opérationnels qui se portent acquéreurs des actifs nécessaires aux activités de location et de services du groupe et en assurent le financement… » « Chacune de ces opérations de titrisation a été analysée de manière détaillée et en substance au regard de l’interprétation SIC 12… Aucune d’entre elles n’aboutit au contrôle d’une entité ad hoc…
Le groupe ne dispose pas de droits aboutissant à lui conférer la majorité des avantages économiques des dites entités ou à lui conférer la majorité des risques liés aux activités ou aux actifs de titrisation… Il ne dispose pas du pouvoir de dissoudre l’entité, d’en changer les statuts ou de s’opposer à leur modification… Il ne dispose pas du droit de propriété sur les matériels… Le groupe ne garantit aucun loyer fixe, ni la rentabilité de l’entité… Les risques financiers du groupe sont limités aux dépôts de garantie qu’il a versés à ces entités et qui sont présentés dans l’annexe. » Par ailleurs, le groupe fournit aux GIE et aux trusts une prestation de maintenance des matériels loués qui ne remet pas en cause leur indépendance. Il apparaît de ces explications que même si ces entités louent leurs actifs exclusivement au groupe TOUAX, leurs investisseurs supportent les risques et avantages de l’activité.
Voir la suite du cours : Les entreprises sous contrôle conjoint ou co-entreprises
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